Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Déjeuner Rouge acte III
11 mars 2010

Compte rendu de la performance du 06 mars

CIMG2189

A l’origine la performance s’orchestrait autour d’un travail commun en atelier pour se clôturer dans une action commune in situ, dans le patio du CDI, avec les 13 étudiants hommes et femmes. Au final, 5 femmes seulement étaient présentes à la tablée et un homme uniquement qui s’est refusé au maquillage commun et qui a donc été relégué au rôle du cochon, caché sous la table.

Aussi, à la dernière minute, j’ai dû faire appel à quatre de mes amis pour équilibrer et réussir la performance dont l’objet était le partage ; partage de l’artiste avec les étudiants sur différents plans : la rencontre, le travail du dessin, de la mise en scène, du déroulement de la performance combinant les aspirations de l’artiste avec celles de ses élèves, puis bien évidemment le partage avec le public, le partage avec les nouveaux convives, inconnus jusqu’alors, le partage des improvisations dans l’instant présent, le partage du vin et du repas, le partage des lectures, des rires et de la chute.

Par ailleurs, en référence à la Cène, nous devions être 13 à table, en proportion relativement équilibrée entre homme et femme. Au final, nous étions 9 à table, entre femme, ce qui change profondément le sens de l’action, même si elle peut faire encore écho, de très loin au repas religieux mythique et symbolique. Le caractère sacré et religieux fut traduit par le miserere d’Allegri, composition musicale sacrée relatant la souffrance et les lamentations de la mère face à la mort de son fils, le Christ, crucifié pour ses idées et son intégrité.

Un tintement de cloche annonce le début de la performance : il nous renvoie à l’annonce de l’office pour les fidèles, au signal de recueillement dans la réunion et la communion en un lieu donné et réservé à cet effet. Le patio, pour nous, remplace l’église et rappelle plutôt les rassemblements en plein air des tout premiers offices, rites populaires, païens et religieux, bien avant les constructions des édifices.

Notre espace se situe entre la guinguette et le temple en plein air, lors d’un repas festif et sacré. Les banderoles rouges, réalisées par les étudiant, s’assimilent à celles qui peuplent les temples bouddhistes tout en remplaçant les lampions et guirlandes des guinguettes.

Les cinq premières minutes s’amorcent avec le Miserere d’Allegri : nous sommes installés dans des poses hiératiques, en tenues de soirée noires, les visages peints en rouge, stoïques et impassibles, pendant que le sommelier remplit modestement nos verres. Dès que l’ensemble des convives est servi, nous commençons à boire silencieusement, dans le recueillement et l’écoute. Cette scène symbolise la communion sacrée dans sa plus grande austérité, le partage dans la spiritualité la plus pure, dégagé de tout artifice superflu, de tout bavardage et réduit à ses plus simples gestes et symboles. Autrement dit, ça ne rigole pas !

Puis, dans un climat similaire, nous lisons à tour de rôle les textes des élèves, des plus sérieux aux plus fantaisistes. L’ambiance se détend en fonction des contenus des écrits de plus en plus fantasques et débridés. Nos corps perdent leur rigidité pour une plus grande souplesse et ondulation, nos voix, petit à petit, s’agrémentent de modulations et de rires dans un crescendo qui suit l’esprit des textes.

Les lectures terminées joyeusement, la cloche tinte une seconde fois et annonce l’ouverture des bouteilles. Le sommelier nous sert généreusement, dans une ambiance conviviale, à la détente et à la joie. Nous commençons à manger et enchaînons sur une chanson à boire, « Il est des nôtre » que nous avons été obligés de changer en « elle est des nôtre ».

Les paroles des chansons, à l’initiative des étudiants, sont distribuées au public pour qu’il se joigne à nous. Cette première chanson nous permet de nous présenter, puisque les convives ne se connaissaient pas tous, du fait de l’improvisation de la tablée à la dernière minute. Elle marque un temps de rencontre et de partage par les regards, l’humour des paroles, la nourriture et le vin qui commence à nous délivrer son esprit tout en débridant le notre. La magie du vin c’est d’ouvrir les cœurs pour vivre un échange sincère et humaniste, pour ressentir notre présence immédiate au monde, sans barrière sociale, sans tabous, sans écrans et sans peurs. C’est de l’amour fraternel qui coule du vin jusque dans nos veines et qui traduit le VINI SPIRITUS, l’alchimie des cœurs qui nous ramène à notre quintessence, à ce que l’on est réellement au plus profond de nous même, dans notre plus pure et grande beauté : l’ Humanité.

Les verres se remplissent et se vident de plus en plus rapidement, ils se lèvent et s’entrechoquent dans leurs célébrations : à notre santé, à la vie, à l’amour, à l’art, aux noms des invités et du cochon caché timidement sous la table. Les boules rouges sur lesquelles sont piquées des brochettes de nourriture, se dénudent, englouties par notre faim grandissante.

CIMG2181

Ces boules choisies et peintes par les élèves faisant office de plat, symbolisaient à l’origine les grains de raisin et les gouttes de vin. Pour ma part, je rajouterais les globules et cellules, les astres rougeoyants, mais aussi, après coup, les ventres et poitrines des femmes dénudées, telle une Arthémis allongée en chemin de table pour nous servir et nous nourrir, nous qui ne sommes qu’une tablée de femmes, d’amazones contemporaines chantant des chansons paillardes écrites par et pour des hommes, en l’occurrence « la Digue du Cul » ! Si j’avais su qu’aucun homme ne serait à notre table, je crois que j’aurai féminisé les paroles de cette chanson et j’en ferai donc une proposition à la fin de ce texte.

De temps en temps le cochon sortait son groin du dessous de la nappe qui , vu le contexte, symbolise les jupes des femmes. Il avait un rôle subversif de par son symbole de luxure et de débauche, mais aussi par son devoir de chatouiller les femmes pour les faire rire aux éclats. Finalement ce cochon a fait preuve de grande timidité face à ce groupe de femmes qui l’attendait, à notre plus grand désespoir ! Peu d’entres elles ont pu être honorées, sans doute, comme il a été dit lors de la performance, certaines d’entres elles ne l’attirait pas, trop vieilles et faisandées ! Ce cochon introverti s’est donc peu montré et peu manifesté, c’est le monde à l’envers. Et il est bien question de cela justement : un monde où les valeurs se délayent et s’inversent, un monde où les places restent à réinventer puisque plus rien n’y est à sa place…Où sont les hommes ? Que reste t’il de cette quête d’harmonie entre le féminin et le masculin ? Où sont l’équilibre et la parité dans un monde œnologique qui fut longtemps réservé aux hommes? (Les femmes à la Table et les hommes à la Taille…) ??!!!

Revenons au déroulement de l’action : après avoir chanté « la Digue du Cul » en canons (de rouge), nous re trinquons dans les rires et la confusion que génère le vin quand il commence à faire sérieusement son œuvre libératoire. Des fous rires, des bégaiements, des égarements en tous genre jusqu’à perdre un moment le fils de la performance qui part en « live » et c’est tant mieux, plus vrai et spontané ! La bande sonore qui était diffusée depuis le premier chant et qui est l’enregistrement d’une bande d’amis qui chantent des paillardises, arrive à saturation jusqu’à l’inaudible, puis le silence. Alors, dans un moment de désynchronisation et de perdition comique, tout doucement nous déposons notre tête dans l’assiette, en silence relatif, dans des gloussements camouflés et des rires étouffés, pour symboliser la fin, l’excès, la Mort.

A ce moment là, le « sommelier toqué » devait tinter la cloche et son tocsin, mais il a oublié de nous signaler la Fin ! Sans doute avait il trop trinqué avec nous pour en oublier de mourir ! Nous étions donc un peu livrer à l’inconnu, aux aléas de l’improvisation, ne sachant plus comment clôturer la performance l La chute fut donc une réflexion à voix haute d’une invitée : « ça dure longtemps la mort ?  », et je lui répond que Rabelais disait : « Buvez, vous ne mourrez jamais » ! Cette citation improvisée de mon cher Rabelais marque la fin de l’action.

Nous remercions chaleureusement nos rares fidèles qui sont restés jusqu’à la fin de cette bulle de liberté conviviale et insolite, en leur proposant un verre de vin.

AMEN

Carole Challeau

Le 7 mars 2010

CIMG2197

CIMG3838

Publicité
Commentaires
Déjeuner Rouge acte III
  • Cette année la performance se poursuit avec le Collectif New Art' Aix dans la continuité de l'intervention de l'artiste Carole CHALLEAU vous présentent leur action "Déjeuner Rouge Acte II qui a eu lieu en 2010.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Publicité