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Déjeuner Rouge acte III

30 juin 2010

Penser l'oeuvre de Spoerri

Extrait de La Raison gourmande, Onfray, Michel, Ed Grasset, 1997,

(...) « L'argent tient lieu d'idéologie, les richesses valent pour seules vertus, et certains artistes met­tent leur talent au service de ce monde-là, soit en célébrant les soupes et les stars qui en sont les emblèmes, soit en inscrivant leurs productions dans la seule logique du marché. Quelques-uns, rebelles, persistent à croire que l'esthétique est force de résistance, puissance de rébellion. Parmi eux, un acteur des Nouveaux Réalistes qui convoque la cuisine au rang des beaux-arts, Daniel Spoerri.

Quand l'objet s'impose, Spoerri avance le sujet et son entreprise normative. L'artiste est une puis­sance volontariste qui fait advenir le réel dans la clairière d'un sens. Dès 1960, l'entreprise esthé­tique de Spoerri vise la table, l'alimentation, les instruments de convivialité gourmande et la scène gastronomique dans son entier. Ses premières réa­lisations relèvent de l'époque dite des Tableaux pièges qui inscrivent le matériel conceptuel alimen­taire dans une logique épistémologique singulière : après un repas, tous les reliefs sont emprisonnés là où ils sont dans l'état où ils sont, fixés dans une géographie et une temporalité. De la sorte, ils accè­dent à un statut spatial et temporel transfiguré.

Les déchets, les emplacements, les rapports et relations des objets entre eux autorisent une « topographie anecdotée du hasard» dans laquelle se révèle une sorte d'archéologie du repas achevéqui renseigne sur ce que fut l'accomplissement de la Cène en question. L'archéologie permet une his­toire, les traces rendent possible une reconstitution. Le tableau piège raconte. Son statut éminemment narratif l'installe du côté des signes, des oeuvres qui font sens et s'appuient sur les objets de la table. Les assiettes sales, les verres et les tasses souillés de liquides, café et vin, les papiers gras, les mégots écrasés dans une soucoupe, les emballages froissés, les quignons de pain, les couverts, boîtes en fer-blanc sont là comme des reliefs qu'il reste à laver, nettoyer, ranger, entasser ailleurs et en ordre. Consommer, c'est produire aussi du déchet; man­ger, c'est également laisser des restes. Le système des objets est générateur d'une part envahissante qui prolifère et, dans sa prolifération, qui fait sens, aussi bien sociologique, historique, anthropolo­gique, sinon métaphysique. L'archéologie raconte que les poubelles, les restes, les rebuts disent par­fois plus et mieux un mode de vie, d'être, de faire, de penser et d'agir. L'époque est aux objets, elle est aussi aux ordures.

Pour transfigurer cet état rebutant et trivial en état séduisant et esthétique, Spoerri fixe, colle, attache les objets, les immobilise. Il est comme le photographe ou le sculpteur qui arrêtent un proces­sus de décomposition en faisant advenir une durée nouvelle, donc un temps sublimé. Puis, en parallèle avec une action volontariste sur le temps, il opère un travail sur l'espace en accrochant le tableau des ustensiles pris au piège à la surface plane d'un mur. Fixés dans un temps immobile, cristallisés dans une géographie verticale, les objets quittent l'espace laïc et banal du monde réel pour s'installer dans l'espace sacré et original de l'univers esthétique. Voilà comment s'opèrent les transmutations de métaux vils en métaux précieux, comment avec le plomb de l'horizontalité d'un banquet on fabrique l'or de la verticalité d'un tableau.

Pour qui se soucie de raison gourmande, la leçon du tableau piège est un écho à Marcel Duchamp, car elle dit à nouveau que c'est le regardeur qui fait le tableau et que l'opérateur, l'embrayeur esthétique, c'est le consommateur, celui qui veut et décide. En l'occurrence, celui qui se trouve à table, s'il sait regarder ce qui s'y passe. Le temps, toujours, l'es­pace, sans cesse, les obsessions avec lesquelles se font les oeuvres d'art impliquent la cuisine, art de ces deux instances qui sont formes a priori de la sensibilité chez Kant. L'objet est susceptible de transfiguration pour qui soumet son monde à son vouloir. La critique radicale des choses passe par une inversion de valeurs : ça n'est pas l'objet qui fait le sujet, comme le désirent les tenants du capi­talisme, mais le sujet qui fait l'objet, comme le veu­lent depuis toujours les artistes et les philosophes dignes de ce nom.

Daniel Spoerri campe sur la position de l'artiste critique et résistant dès cette période : il file la métaphore en pratiquant par la suite un acte linguistique fondateur de sens et aussi un acte esthétique par lequel il fait accéder là encore des objets de série ou de consommation courante, pourvu qu'ils soient alimentaires, au statut d'objets d'art. De sorte qu'on pourrait dire qu'il poursuit l'entreprise du readymade en inventant le ready-made alimentaire*. Précisions : en septembre 1961, il fixe son attention sur des objets qui relèvent de l'épicerie et appose sur eux une étiquette qui précise Attention oeuvre d'art. La référence à Duchamp est une révérence, sinon une citation. Le geste performatif qui permet, en nommant, de faire advenir, en désignant l'art, de le faire surgir comme tel, là où il est, y compris dans le registre des objets consommables. Ainsi, Spoerri exprime la part essentiellement créatrice et démiurgique de l'artiste. En disant, il fait. De la même manière qu'au-delà du paradoxe, on peut ajouter qu'en faisant il dit.

Spoerri demande à l'éphémère de durer, il agit sur la durée dans laquelle est inscrit l'objet pour modifier celle-ci : à partir de la fugacité du produit de consommation courante, destiné à disparaître après usage et appelant remplacement avant perpétuation de l'opération consumériste, il opère un baptême qui fait surgir une nouvelle durée dans laquelle l'objet ainsi soudainement désigné acquiert un autre statut, celui en l'occurrence d'une pro­duction relevant du registre esthétique. Dans ce travail, l'ensemble du sens grec de poiêsis est illus­tré : création, mise en forme, information dans son sens presque scolastique, à savoir sculpture du réel. Du tableau piège aux signifiés perturbés par le signifiant, Spoerri utilise les objets alimentaires comme des partenaires pour une entreprise méta­physique, philosophique et poétique : en septembre 1962, au Stedelijkmuseum, il poursuivra sur ce ter­rain avec une série d'expériences se proposant la perturbation de perceptions. Le jeu pratiqué au musée d'Amsterdam n'est pas sans faire songer à celui que pratiquaient les futu­ristes dans les banquets, où ils sollicitaient sur le mode ludique l'ensemble des sens pour que l'intel­ligence puisse opérer par l'intentionnalité de type phénoménologique un travail de conscientisation des fonctions sensitives, d'abord séparées, puis synesthésiques. L'expérience prend la forme d'une Performance invitant les spectateurs à parcourir deux salles dont l'une est transformée en laby­rinthe sombre dans lequel le corps est en situation de connaissance sensitive totale, moins la vue. Car les visiteurs ont chaussé des lunettes noires avec un système de pointes qui paraît les rendre agres­sives pour l'oeil : il s'agit de signifier de manière plastique la vision congédiée, le regard visuel conjuré afin que les quatre autres sens seuls soient sollicités pour découvrir des installations permet­tant l'appréhension du chaud du

froid, de l'hu­mide, de la granulation et de la texture de certains tissus, de bruits

divers et d'odeurs multiples.

En supprimant symboliquement le sens emblé­matique de l'Occident, celui de l'hominisation, de l'homo sapiens sapiens, Spoerri réitère l'expérience menée par Condillac avec sa statue : si l'appréhension du monde ne peut se faire que selon les modalités d'un seul sens, elle se fera tout entière selon les catégories du sens en question ; si l'un d'entre eux fait défaut, les autres compenseront par des modali­tés différentes. En voyant moins bien, sinon en ne voyant plus, on sent mieux, on goûte mieux, on touche mieux. Expérience sensualiste à souhait. De sorte que l'environnement structuré par l'artiste est susceptible d'une appréhension sur le seul mode compensatoire, qui permet le fonctionnement prio­ritaire des sens spécifiques de l'activité gastrono­mique.

Dans la pièce adjacente, les catégories habituelles de la représentation spatiale sont perturbées par l'accrochage d'oeuvres sur le mode subversif du tableau piège : le sol est transformé en mur avec les tableaux suspendus, et les sculptures se dressent sur un mur qui, de la sorte, devient sol. Un autre espace est ainsi formulé, comme avec le tableau piège qui induirait un autre temps. Le corps per­turbé doit bouleverser ses repères afin de fournir à l'organisme, à l'ensemble des appareils qui régulent la machine de quoi continuer à évoluer en équilibre tout en décodant les seules informations visuelles.

Après un travail démiurgique (1960), nominaliste (1961) et sensualiste (1962), qui l'installait sur le terrain plus spécifiquement conceptuel, Spoerri aborde l'objet alimentaire, non plus dans sa dimen­sion métaphysique, linguistique ou phénoménolo­gique, mais plus particulièrement gastronomique (1968) en ouvrant un restaurant sous son nom à Düsseldorf, et en confiant la cuisine au frère de son ex-femme. De son côté, il prend en charge la res­ponsabilité intellectuelle, artistique et culturelle de ce qui devient rapidement une institution propé­deutique au courant Eat-Art. A la table de Spoerri, on mange de l'ours, du serpent, de la trompe d'éléphant – tout en pouvant acheter la table sur laquelle on se sustente, car il se charge de piéger les reliefs et d'assurer esthétiquement le passage du trivial au sacré. La cuisine se propose d'être transgressive : on y mange des mets inhabituels pour quelqu'un dont la culture est européenne, et l'on y sert des produits volontairement travestis, des glaces à la pomme de terre ou un praliné de viande hachée, par exemple, aussi bien que des menus érotiques ou sacrilèges. L'objectif consiste à tout goûter, à tout essayer, à tâcher de n'être pas retenu ou empêché par les interdits alimentaires.

L'expérience montre à souhait combien la nour­riture est un système de signes à l'intérieur duquel fonctionnent des codes extrêmement bien intégrés : on distingue les matières consommables et celles qui ne le sont pas, les associations convenables et les autres, les aliments laïques et ceux qui sont chargés de sacré. Toute pratique gastronomique est tributaire de ces tabous et de ces habitudes, de ces valeurs et de ces principes. Cuisiner, goûter, c'est mettre en jeu les valeurs d'une civilisation, soit en les honorant, en les célébrant, soit en les critiquant, en les niant. Aucune substance entrant dans le corps n'est neutre et toujours elle est char­gée, positivement ou négativement, sur le double terrain de l'histoire individuelle et de l'histoire col­lective. En jouant sur le coefficient moral des ali­ments, Spoerri montrait également qu'il existait une dimension politique à l'acte culinaire, à la pra­tique gustative.

C'est à cette époque que Spoerri écrit sur l'une de ses oeuvres : «Dans la décadence de tous les arts, seul subsiste le noble art de la cuisine. » Et ailleurs : « Le sexe et la nourriture, voilà les deux besoins fondamentaux de l'homme. D'autres se sont char­gés de parler du sexe ; moi, je parlerai de la nour­riture. » Mais peut-on si facilement opposer ces deux mondes qui, par plus d’un point, paraissent avers et revers de la même médaille ? Est-il si facile de dissocier, séparer et traiter l'un sans aborder l'autre ? Spoerri, en effet, consacrera plus particu­lièrement ses efforts à la question alimentaire dès 1969 quand l'idée lui vient, en voyant Niki de Saint-Phalle fabriquer ses Mille Nanas en sucre à la Kunsthalle de Düsseldorf, de ce que pourrait être un art qui élise l'aliment, la cuisine, la gastro­nomie pour matériaux exclusifs.

L'acte de naissance du courant Eat-Art se joue dans un banquet funèbre, à Milan, le 29 octobre 1970, lorsqu'il s'agit de fêter l'ultima cena du Nou­veau Réalisme. Le projet du repas : digérer l'art du XXe siècle. D'où la consommation de figures culi­naires et alimentaires allégoriques, symboliques et ludiques. Chacun est associé à sa figuration sym­bolique et gastronomique et esthétique : une palis­sade de biscuits pour Raymond Hains, un gâteau en forme de tombeau pour Klein, une compression de praliné à la liqueur pour César, une accumula­tion d'aspics pour Arman. Le pain d'épice, la viande et les bonbons sont utilisés comme maté­riaux pour confectionner des oeuvres d'art. Toutes sont mangées. En même temps se sont trouvés signifiés les destins de chacun : l'analogon ingéré, restent les déjections, les reliquats que, d'ailleurs, les sucres rendent parcimonieux. L'art mangé est rare en reliefs excrétés. Rien de ce qui faisait la thématique de chacun des participants des Nou­veaux Réalistes n'est censé demeurer : tout a dis­paru, un pan s'effondre de l'histoire de l'art, et cet effondrement est signifié par la médiation alimen­taire qui, sur le terrain dialectique, permet l'avène­ment d'une autre période, d'un nouveau système de référence. Ce sera le courant Eat-Art, né de la mort transfigurée et jouée des Nouveaux Réalistes, phénix renaissant de leurs cendres pour continuer les travaux et les jours.

Daniel Spoerri est nommé à l'Académie de Cologne, à la chaire des Beaux-arts. Pour fêter dignement son intronisation, il organise un banquet des homonymes, en invitant des personnes ayant toutes en commun d'être des anonymes et de porter le nom d'un célèbre ancien. À la table des philo­sophes, on peut rencontrer un Kant venu de Bonn et plusieurs Hegel ; à celle des écrivains, Heine, Kleist ; Dürer, Grünewald, Cranach sont réunis à celle des peintres. On y mange des truites fumées Bach, un cake Leibniz, un fromage Descartes et autres dou­ceurs du même genre. La viande vient de la bouche­rie Wagner; la cochonnaille de chez Metternich et Schiller. Le service était assuré par les étudiants. À la fin du repas, chacun s'adonna, de bonne grâce, à la séance des autographes.

Les activités du courant Eat-Art furent nom­breuses : du festival de Chalon-sur-Saône, avec ses dix-neuf banquets servis pendant vingt-cinq jours, aux repas servis en relation avec l'iconographie traditionnelle du thème astral en passant par une série d'autres manifestations placées sous le signe du jeu, de la subversion, du happening, de la déri­sion, de l'ironie et de la performance, les occasions ont été nombreuses. Jusqu'à la dernière entendue comme un festin mortuaire à la Grimod, intitulée Le déjeuner sous l'herbe et sous-titrée L'enterrement du tableau piège. Elle a eu lieu à la fondation Car­tier, à Jouy-en-Josas, en février 1983, pour signifier la fin du courant, sa mort et sa nécessaire inhuma­tion.

La célébration a eu lieu comme une synthèse de tout ce que Spoerri avait fait sur le terrain de l'alimentation et de la cuisine, réitérant la démiur­gie du tableau

piège, le nominalisme des objets d'épicerie, le sensualisme d'une expérience

corpo­relle et la gastronomie jubilatoire..

Cent vingt personnes avaient été invitées à ce repas champêtre, après avoir été priées d’apporter leurs couverts : chacun signifia son tempérament en choisissant des objets vils ou précieux, usagés ou neufs, ostentatoires ou modestes. Le menu était sado-masochiste et l'on a servi des mamelles de vache, une spécialité suisse et allemande, des andouillettes, des tripes, des pieds et des oreilles de cochon. La table était dressée sur des tréteaux, les nappes étaient roses, et le cérémonial s'est accompli auprès d'une fosse immense, creusée pour accueillir l'ensemble du dispositif comme un tableau piège. Après le repas, tout a été enfoui. Depuis, à l'abri des regards, la pourriture et la mort travaillent les restes et produisent des reliefs à partir des reliefs. On pré­tend que sous l'herbe, l'hiver, quand la neige fond, on découvre sur le sol les traces de la décomposition se faisant sous forme de températures différentes qui sculptent la neige et trahissent une fonte irrégu­lière. Spoerri absent, il dit encore que la mort c'est la continuation de la vie sous d'autres moyens et que le cycle manger/être mangé dans sa relation à la décomposition est éminemment métaphysique, expression de l'éternel retour du même, faite par tout un chacun qui ne parvient pas à se consoler d'avoir à le connaître.

La mort rôde chez ceux qui jubilent dans les ban­quets et les repas, elle est à l'oeuvre dès qu'on ingère, dès qu'on digère, dès qu'on ressent la faim ou la soif, car la machine montre avec un empire brutal quelles sont ses exigences, ses nécessités. Les désirs attirent l'attention sur les défaillances du corps qui s'annoncent lorsque la nourriture se fait attendre, ou fait défaut. Les frasques funèbres de Grimod ne sont pas loin d'être emblématiques d'un savoir que Spoerri enseigne : le processus de nutrition est révélateur de l'entropie qui montre l'éphémère à l'oeuvre, aussi bien dans le désir, qui peut ne pas durer, que dans sa satisfaction, qui,elle, ne dure pas. Le perpétuel jeu d’aller et retour entre une aspiration qui travaille le corps et la satisfaction qui la suit désigne l'éternité du mouve­ment vital.

Lorsque Daniel Spoerri raccrochera les casseroles, il aura laissé son nom dans un courant qui n'en est pas moins resté vivace depuis lui, moins dans la constellation et l'école que dans l'action solitaire, mais déterminée, de Peter Kubelka. On connaît plutôt l'artiste sur le terrain du cinéma où il a laissé le souvenir d'un réalisateur d'avant-garde. Certains savent également quel musicien il est et combien il excelle dans le répertoire de l'interpré­tation baroque dans les salles de concert du monde entier. On le sait moins cuisinier, théoricien et pra­ticien de la question culinaire qu'il met en perspec­tive avec les beaux-arts et plus particulièrement la musique.

À ses yeux, les livres de cuisine sont littéralement des partitions dans lesquelles sont consignés des savoir-faire et des traditions dont nous sommes issus. Combattant le mode de production industriel et les implications de celui-ci dans les contenus esthétiques, Kubelka associe le cinéma, la musique et la cuisine pour les pratiquer comme des activités à ne plus inscrire dans un processus de nécessité, de contrainte, mais dans une logique de volonté libre et de plaisir. L'artiste n'a pas à être un relais dans le monde où les produits sont calibrés pour contribuer à l'émergence d'une vie elle aussi calibrée, car il doit résister, être indépendant et agir comme un acteur. En refusant la commande, l'implication dans le marché, Kubelka agit selon son caprice de sujet libre, unique et sans duplication possible. Est artiste quiconque veut magnifier la nature exceptionnelle de l’instant éphémère en vivant intensément, avec toute la densité requise par le projet existentiel.

Cinéma, musique et cuisine sont trois arts du temps avec lesquels on ne peut pas tricher. Tous ils exigent une maîtrise de la durée, de l'écoulement temporel dans un espace, à savoir le monde en trois dimensions. De sorte qu'on pourrait définir l'artiste qui fait des films, compose une sonate ou réalise un plat comme un sculpteur de temps. Le matériau culinaire est donc autant inscrit dans la matériologie classique, les aliments, les produits, que dans le registre immatériel spécifiquement désigné par le temps. Derrière la caméra, face à la partition ou devant les fourneaux, c'est le même homme qui oeuvre, luttant avec Chronos comme l'ange avec le démon.

Et tous s'exposeront, l'un dans la salle obscure où s'installeront les spectateurs, l'autre dans le théâtre du concert où viendront les auditeurs, le dernier à la table où les gastronomes s'apprêteront à officier. Puis, dans un temps contre lequel per­sonne ne pourra rien, parce qu'il imposera sa tyrannie, son ordre et ses catégories, le film, le concert et le repas se dérouleront, comme le fil des Nomes. In fine, éphémère, il restera une émotion, une sensation fugace, une trace dans la mémoire, rien d'autre qu'une fragrance mentale sculptée par l'artiste et déposée dans sa chair.

Dans ses expériences esthétiques, Peter Kubelka veut transfigurer le corps et le célébrer dans son unicité, loin des phantasmes de reproductibilité modernes qui triomphent par l'industrialisation. Contre l'homme unidimensionnel voulu et fabriqué par la technique asservie à l'idéologie libérale, Kubelka veut un sujet singulier, acteur de sa propre existence, artisan de sa propre forme, artiste de sa propre vie. Il entend dépasser l'aliénation qui fait de l’individu un rouage pour libérer l’homme dans la totalité de sa chair. Dans cet ordre d'idées, la cuisine est un moyen de réappropriation de soi, en particulier, de reconquête de soi par un travail de sculpture sensuelle dont chacun est le sujet et l'ob­jet : il s'agit de découvrir en soi la totalité de ses cinq sens à l'oeuvre et non pas de vivre sur le seul registre cérébral et intellectuel.

La cuisine a sur le cinéma et la musique l'avan­tage de célébrer les sens les plus primitifs, du moins relativement à leur réputation. L'olfaction et l'odo­rat, le nez et la bouche, le toucher et le goût ont été prioritairement les modes d'appréhension du monde, car on a vraisemblablement d'abord reni­flé, goûté, touché les objets qui nous apparaissaient avant de nous contenter de les regarder, de laisser à l'oeil le soin de fournir toutes les informations qu'on attendait d'eux. C'est pour ne plus avoir de contact direct et sensuel avec le monde que les hommes ont mis en avant l'oeil, la vision et la considération visuelle qui, pourtant, n'est jamais que le sens de la vérification des autres sensations : nous connais­sons le goût de tout ce que nous voyons, or nous ne goûtons plus que quelques matières, limitées à la nécessité alimentaire elle-même réduite à sa dimen­sion utilitaire.» (...)

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20 juin 2010

L'art : le rouge, le sang

Hermann Nitch

L'intégration du sang, du corps animal et du corps humain, la combinaison de rituels et d'éléments liturgique dans ses actions sanglantes de caractère cérémoniel incitent non seulement les protecteurs des animaux à prendre position mais aussi des théologiens et des représentants de la morale publique. Ainsi, l' oeuvre de Nitsch est extrêmement controversée.

En fin de compte Nitsch apparaît comme le représentant d'une esthétique archaïque et provocatrice. Pour les uns c'est un véritable artiste d'une grande originalité, pour d'autres c'est un primitif présomptueux oeuvrant dans le mauvais goût le plus outrancier

Hermann Nitsch est considéré comme le pape de l´actionnisme viennois (1962-1968), un mouvement contestataire qui cherchait à soigner la plaie ouverte pendant le IIIème Reich. Leur arme : briser les tabous au grès de rituels collectifs ou de liturgies privées aux relents sanglants et excrémentiels. Fidèle à ses premiers happenings, Nitsch poursuit, à l´aube de ses 70 ans, sa rhétorique organique et pulsionnelle. Ses peintures à l´huile, à l´acrylique et à l´hémoglobine évoquent la violence sacrificielle mise en œuvre dans son Théâtre des Mystères et Orgies.

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http://www.nitsch.org/index-en.html

Jan Fabre "Je suis sang"

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Artiste associé à l’édition 2005 du Festival d'Avignon, le controversé Jan Fabre présente ‘Je suis sang’, pièce créée en 2001 pour le même événement. Un récit d’envoûtement, de chair, de sang et d'émotions...
Plusieurs voix esquissent une certaine image de l'homme par le passé (comme au Moyen Age), au présent et à l'avenir. Elles créent des continuums de temps, ou s'agit-il d'un vide de temps ? Elles évoquent le fardeau que constitue le corps, qui est sujet à des obsessions, des fixations, de la souffrance, des maladies. Le corps qui est source de passions et de tabous sociaux, qui précisément se rapportent au sang : blessures, menstruation, stigmates, "effusion de sang". A cet égard, il n'y a guère eu d'évolution depuis le Moyen Age. L'homme est adonné au sang, dans tous les sens du terme. Les vers se développent tels des mantras : une idée est exposée, répétée et lentement élargie. Les voix expriment le souhait de devenir uniquement du sang. D'une manière conjuratoire, systématique, il est fait abstraction du corps, de la chair et des os, pour qu'ils se fondent en autre chose, en une autre forme débarrassée de souffrance et de tabous, quelque chose de liquide qui pénètre la matière : un corps de l'avenir composé uniquement de sang. "Je me libère de moi-même", laisse échapper la voix vers la fin du texte. Par-delà le bien et le mal ? Invulnérable ?

http://www.evene.fr/theatre/actualite/je-suis-sang-144.php

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19 juin 2010

Eat Art

Aujourd’hui le Eat Art peut-être perçu de deux manières différentes. Il peut-être considéré comme un courant des années 1960-1970 principalement lié à Daniel Spoerri. Il peut aussi être considéré comme un pendant artistique qui lie la cuisine à la création. Dans ce sens il existe toujours et de manière de plus en plus active, notamment au travers de différentes dénominations que sont, entre autres, Food art. Le design culinaire, quant à lui, prolonge le Eat Art mais n’est pas un courant artistique de même typologie.

Les artistes suivants ont utilisé la nourriture dans leur art :

Natacha Lesueur

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Le deuxième thème de l'artiste est la nourriture, plus précisément l'idée de la sculpture éphémère, biologique, «voire naturelle», associée au corps humain. (...) Chez Natacha Lesueur, on se trouve à l'opposé de ce phénomène. Son utilisation d'aliments et de diverses substances issus du domaine culinaire est hautement réfléchie. Elle agit comme contre-point envers la thématique du corps humain. Les sculptures portatives composées de nourriture agissent chez Natacha Lesueur comme une série de propositions légères sur des possibles sculptures «à degré zéro», libérées du poids historique et tradidionnaliste de la sculpture. Il s'agit à la fois d'une réflexion sur les modes de vie contemporains et d'un jeu d'humour particulièrement cruel et dévastateur envers les poncifs de la culture contemporaine, post moderne ou appropriationiste. La nourriture apparaît, chez l'artiste, comme un élément inattendu destructeur d'illusions. (extrait de http://fr.wikibooks.org/wiki/Art_contemporain/Natacha_Lesueur)

La série complète d'Aspics sur le site de l'artiste :

http://www.natachalesueur.com/index2.php

Autres liens sur le Eat art :

http://www.exporevue.com/magazine/fr/eat_art.html

http://www.univ-paris1.fr/ufr/general-presentation-ufr04/masters-1-metiers-des-arts-et-de-la-culture/master-1-metiers-des-arts-et-de-la-culture/jeudis-de-la-sorbonne/actes-electroniques/actes-2006-paris-de-la-creation-a-la-visibilite-de-loeuvre/manger-lart-art-comestible-et-gastronomie-esthetique/

19 juin 2010

Sophie Calle

Sophie Calle, "Le Régime chromatique", 1997.
Extrait d'une série de sept photographies et sept menus
.

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Courtesy galerie Emmanuel Perrotin, Paris.
Sophie Calle a inspiré le personnage de Maria dans le roman Léviathan de l'auteur américain Paul Auster. L'artiste décide d'obéir à un cérémonial inventé par l'écrivain et que réalise l'héroïne fictive. Dans le roman, Maria s'impose un régime chromatique : chaque jour, son menu est défini en fonction de la couleur des aliments. Sophie Calle suit ce régime durant la semaine du 8 au 14 décembre 1997 : lundi orange, mardi rouge, mercredi blanc, jeudi vert. Alors que l'écrivain ne va pas plus loin, l'artiste poursuit l'expérience toute la semaine. Elle prolonge les règles du jeu dictées par l'écrivain et mêle à sa façon réalité et fiction. Elle attribue au vendredi le jaune, au samedi le rose. Le dimanche elle convie six amis à déguster l'ensemble des menus de la semaine, réalisant ainsi un éventail de couleurs.

regime_chromatiquePhotos sur les sites suivants :


http://madameart.over-blog.com/article-arts-plastiques-et-cuisine-04-42859956.html

http://www.over-blog.com/recherche/sophie+calle++regime+chromatique

1 avril 2010

Ressources en ligne

L'Université saveur et savoir présente des documents sur le goût, l'alimentation et repère pour l'imaginaire : les liens entre festins et musique, les liens entre cuisine et peinture à consulter à l'adresse suivante

http://www.universite-saveursetsavoirs.com/

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11 mars 2010

L'envers du décor de table

Nous allons vous présenter la conception de la table.

Tous les éléments de détails du décor de table ont été conçus et pensés par les étudiants avec l'aide de l'artiste.

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Chaque personne a dessinée son empreinte digitale avec un feutre céramique.

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Chaque verre a été gravé.

Tous les  convives portaient un tampon.

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11 mars 2010

MENU (e) et enjouée

Tintement de cloche pour annoncer l’ouverture

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Mise en bouche :

Miserere d’Allégri


Entrées :

Lectures solennelles des textes des étudiants.

Prose


Tout ce que l’homme a de bon

Il le transmet au vin

Courage, gaité, foie, persévérance,

Amour et optimisme


Tout ce que la nature a de beau

Elle le transmet au vin

Chaleur, force, lumière

Couleurs et mystères.



Une grappe de raisin :

Travail d’un homme,

Plaisir d’un autre.


Mangez du raisin,

Une grappe après l’autre

Comme une grappe de mots.


J’étais raisin, je suis vin, je serai plaisir.


Soleil délicieux,

Une ballade, un instant,

Vigne harmonieuse.


Haïkus


Marcher dans la vigne,

Regarder les raisins,

Un plaisir à venir.



Baies rougissantes,

A l’aube de l’automne,

Enivrent nos sens.



Saveur enchantée,

Un brin éméché,

Les sens s’éveillent.


La vigne vrille,

Avec le poids du temps,

Au fils des saisons



Cadavres exquis


Le rouge c’est une couleur vive qui exprime la vie, la joie et la haine, le rouge c’est l’enfer, c’est la douleur de la vie, le rouge du sang.


Le rouge me fait penser à la tradition italienne de Noël, celle-ci demande de porter des sous vêtements rouges.


Le rouge c’est l’amour, mais le pochtron s’est noyé dans son vin et pour toi des mots d’amour que j’accepte avec tant d’érotisme et c’est la fin de cette merveilleuse histoire.



Le rouge, c’est la couleur du petit chaperon rouge qui court dans les vignes du seigneur, sans chemise, sans pantalon et sans chaussettes comme l’archiduchesse archisèches à cause du soleil chaud pour plaisirs frais, mais pas bien frais avec le casque en fonte et la pointe à l’envers, à l’envers, je me mettrai nu dans la Simca 1000 et une couleur rouge pâle comme le cul d’un mort.


Le rouge c’est l’amour, la passion, excitant, vif, irritant, la vie. La folle farandole des tomates. C’est une prise de sang qui fait mal aux dents, l’ivresse dans le sang, c’est la colère à l’état pur. Mais c’est la couleur de l’origine divine qui réveille mes sens exquis pour la romance, histoire d’un jour qui dure depuis toujours.


Le rouge c’est la mandorle, les stigmates du Christ qui est le père de tous ceux qui le veulent, pour le bien des coccinelles qui s’envolent vers le ciel rouge colère. Colère terrible des dieux à l’apéro qui tournent au rouge flamboyant. L’esprit est ailleurs, mais mon coup est parmi les vôtres. Votre chère et tendre va fondre comme une cerise dans le cœur des personnes qui ont trop bu de vin rouge, dégoulinant dans les veines ensanglantées d’un rouge vif excitant.


La couleur rouge me fait penser à un long moment passé le cul nu sur la plage. C’est une insolation du derrière, c’est le combat des fraises contre les cerises qui sont trop bonnes. Sensation spirituelle dans l’âme d’un ange ou démon, c’est moi qui te croque. Je ne dirai pas non, mais en rouge et noir, j’exilerai ma peur, j’irai plus haut que ces montagnes de douleurs, aïe j’ai mal à la tête de cruche.


Choux rouge et jus de betterave, ambitieux car la honte fait rougir les mauvais garçons et les filles aussi en pire, pire qu’un vin piqué la peau blanche qui rougie quand je t’approche de très près, près de tout ce que tu désires. Cela ne me viendrait pas à l’idée d’être un champ alizé, l’étoile de mer du lycée pourri, mais lieu de prédilection des commères qui visent au rouge quand on tape trop fort, fort comme un bar tabac dans ma tabatière mais t’en auras pas.


Le rouge c’est le début de la fin et cassant comme le verre de vin qui est le début ou la fin de l’ivresse quotidienne du plaisir des vampires devant un verre de sang de dieu, nuit de folie, folie d’une nuit à toi je dis oui, oui aux radis rouges et blancs du jardin vif et exaltant de douceur comme une belle pomme rouge qu’on frotte contre son jean avant de la croquer.


In Nomine Vini es Spiritus Sanctum, Amen, amène à moi tous tes désirs, tes envies, tes supplices que j’exauce avec délice, délices gourmands, jusqu’aux bouts des doigts, dans le nez si t’as gagné et si t’as perdu c’est dans le garage…Le sang qui coule dans les veines, fraîche, tu vas devenir chaude, buvons un coup tirons en deux, un p’tit coup c’est agréable, en boire un autre c’est mieux, toujours plus de joie, de l’allégresse même, hauts les cœurs, ces cœurs enlacés de lacets à la dérobée.


Le rouge c’est le taureau et le toréador qui courent vifs et inquiétants comme les roses de l’amour, c’est la couleur de cette écriture qui fait flipper !


Tintement de cloche annonçant l’entrée du sommelier toqué et le réveil de la tablée

Plat de résistance :

Chanson : « Il est des nôtre »


Trou normand :

« Le joueur de luth »


Dessert :

« La digue du cul »


Digestif :

Bande son des chansons paillardes jusqu’à saturation, jusqu’aux verres vidés et notre engourdissement dans l’assiette


Tintement de cloche, Tocsin, annonçant la fin, un dernier sursaut de vie mais les bouteilles son vidée !

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11 mars 2010

L'avant projet : Vini Spiritus

Création artistique de 15 à 30 min, dans le patio du CDI du lycée agricole Pétrarque d’Avignon,

samedi 6 mars 2010 à 11H15

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Performance artistique, avec la participation des étudiants de 1ère année BTS en œnologie, et le soutien de Marie Laure Para, documentaliste du lycée agricole Pétrarque d’Avignon. Cette action s’intitule déjeuner rouge, acte II, Vini Spiritus.

Nous avons abordé les notions de profane et de sacré qui découlent du vin et de la symbolique du Rouge, en tant que couleur, puis de leur pouvoir d’évocation.

Ainsi, en ce qui concerne le sacré :

Le rouge nous rappelle l’origine de l’être et du vivant par le sang et ses veines, le mystère de la vie, les cycles naturels de la femme, la naissance, mais aussi, de part notre patrimoine religieux, la symbolique du partage, de la communion fusionnelle et de la transmission, avec le sang du Christ assimilé au vin dans la Cène, son dernier repas.

Par ailleurs, le rouge profane, nous ramène aux coutumes du terroir, aux vendanges, aux repas partagés dans la convivialité et la fraternité, en famille ou entre amis, ces repas qui scande la vie dans ses événements des plus quotidiens aux plus extraordinaires : anniversaires, baptêmes, mariages, enterrements,... les saisons et les fêtes populaires et religieuses.

L’esprit du vin qui est profondément religieux, mais un religieux profane, dans son sens étymologique, Religare qui veut dire relier les hommes au monde.

Cette profonde humanité que révèle le vin, par son alchimie, peut vite basculer dans la barbarie et l’animalité la plus bestiale dans ses excès.

On peut ainsi faire référence aux rites carnavalesques dans lesquels on s’enduisait de mou de raisin ou de sang de porc pour susciter l’effroi et traduire le monde à l’envers, la violence en tant qu’exutoire et la mise à mort. L’excès de vin fait aussi écho aux sacrifices, aux Bacchanales, aux orgies traduits par le rouge du sang de la passion et de la mort.

Pour en revenir à notre action artistique, située au centre du patio du CDI de l’établissement, elle se présente sous forme de tableau vivant dans lequel les étudiants et moi-même figurerons autour d’une table dans des postures très hiératiques, solennelles. Sera campé, un décors très sobre et esthétique dans lequel tout sera rouge, y compris nos têtes comme si nous étions masqués de nos propres visages à vif.

Sur un fond sonore de musique sacrée, le Misere d’Allégri, nous seront immobiles, placides et muets jusqu’au moment ou un sommelier toqué entrera dans la Cène profane, en sonnant une cloche. Il remplira nos verres pour nous réanimer, nous rendre à la vie, tout doucement jusqu’à l’excès qui cessera lorsque les verres seront vidés et la nourriture mangée. Le fond sonore se transformera en crescendo de rires et chansons à boire, jusqu’aux paillardises les plus grotesques. Un cochon sortira de temps à autre son groin de dessous la table pour symboliser la luxure et la débauche.

Les bouteilles vidées, l’extinction s’annonce. A nouveau nous nous ralentissons, engourdissons, nous nous courbons lentement les visages reposant dans les assiettes, les yeux clos.

Le sommelier se retire en sonnant la cloche et dans un sursaut de vie, à l’appel de la cloche, nous nous relevons brusquement et joyeusement, les yeux braqués sur le sommelier qui d’un air dépité nous montre « le mont du désespoir », c'est-à-dire les bouteilles vides, « les cadavres ». Nos têtes à nouveau se retrouvent brutalement dans les assiettes jusqu’à l’immobilité la plus austère, la plus grave. Des rires se font entendre comme le triomphe de la vie et du souvenir sur la mort.

Le Tocsin clôturera l’action.

Rabelais : »Buvez, vous ne mourrez jamais » et « Le rire est le propre de l’homme ».

Cette performance va de l’esthétique à l’effroi du fait de la singularité, en brouillant les cartes et en jouant du déplacement . Par exemple, mettre la couleur rouge, là où on ne s’y attend pas, susciter une action à un moment décalé, peu logique. C’est cet effet de surprise qui provoque une déstabilisation de nos propres fonctionnements et pensées pour nous amener dans l’espace de Création, une bulle de singularité, de liberté que nous partageons tous ensemble dans l’instant présent. Les réactions varient en fonction des histoires de chacun, allant de la beauté, de la joie jusqu’à l’effroi, la colère ou la stupeur.

C’est une oeuvre ouverte qui se dérobe lorsque l’on croit la cerner et qui nous échappe à l’infini pour nous laisser en suspens, au-delà de la compréhension, du quotidien, de l’ordinaire.

11 mars 2010

Compte rendu de la performance du 06 mars

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A l’origine la performance s’orchestrait autour d’un travail commun en atelier pour se clôturer dans une action commune in situ, dans le patio du CDI, avec les 13 étudiants hommes et femmes. Au final, 5 femmes seulement étaient présentes à la tablée et un homme uniquement qui s’est refusé au maquillage commun et qui a donc été relégué au rôle du cochon, caché sous la table.

Aussi, à la dernière minute, j’ai dû faire appel à quatre de mes amis pour équilibrer et réussir la performance dont l’objet était le partage ; partage de l’artiste avec les étudiants sur différents plans : la rencontre, le travail du dessin, de la mise en scène, du déroulement de la performance combinant les aspirations de l’artiste avec celles de ses élèves, puis bien évidemment le partage avec le public, le partage avec les nouveaux convives, inconnus jusqu’alors, le partage des improvisations dans l’instant présent, le partage du vin et du repas, le partage des lectures, des rires et de la chute.

Par ailleurs, en référence à la Cène, nous devions être 13 à table, en proportion relativement équilibrée entre homme et femme. Au final, nous étions 9 à table, entre femme, ce qui change profondément le sens de l’action, même si elle peut faire encore écho, de très loin au repas religieux mythique et symbolique. Le caractère sacré et religieux fut traduit par le miserere d’Allegri, composition musicale sacrée relatant la souffrance et les lamentations de la mère face à la mort de son fils, le Christ, crucifié pour ses idées et son intégrité.

Un tintement de cloche annonce le début de la performance : il nous renvoie à l’annonce de l’office pour les fidèles, au signal de recueillement dans la réunion et la communion en un lieu donné et réservé à cet effet. Le patio, pour nous, remplace l’église et rappelle plutôt les rassemblements en plein air des tout premiers offices, rites populaires, païens et religieux, bien avant les constructions des édifices.

Notre espace se situe entre la guinguette et le temple en plein air, lors d’un repas festif et sacré. Les banderoles rouges, réalisées par les étudiant, s’assimilent à celles qui peuplent les temples bouddhistes tout en remplaçant les lampions et guirlandes des guinguettes.

Les cinq premières minutes s’amorcent avec le Miserere d’Allegri : nous sommes installés dans des poses hiératiques, en tenues de soirée noires, les visages peints en rouge, stoïques et impassibles, pendant que le sommelier remplit modestement nos verres. Dès que l’ensemble des convives est servi, nous commençons à boire silencieusement, dans le recueillement et l’écoute. Cette scène symbolise la communion sacrée dans sa plus grande austérité, le partage dans la spiritualité la plus pure, dégagé de tout artifice superflu, de tout bavardage et réduit à ses plus simples gestes et symboles. Autrement dit, ça ne rigole pas !

Puis, dans un climat similaire, nous lisons à tour de rôle les textes des élèves, des plus sérieux aux plus fantaisistes. L’ambiance se détend en fonction des contenus des écrits de plus en plus fantasques et débridés. Nos corps perdent leur rigidité pour une plus grande souplesse et ondulation, nos voix, petit à petit, s’agrémentent de modulations et de rires dans un crescendo qui suit l’esprit des textes.

Les lectures terminées joyeusement, la cloche tinte une seconde fois et annonce l’ouverture des bouteilles. Le sommelier nous sert généreusement, dans une ambiance conviviale, à la détente et à la joie. Nous commençons à manger et enchaînons sur une chanson à boire, « Il est des nôtre » que nous avons été obligés de changer en « elle est des nôtre ».

Les paroles des chansons, à l’initiative des étudiants, sont distribuées au public pour qu’il se joigne à nous. Cette première chanson nous permet de nous présenter, puisque les convives ne se connaissaient pas tous, du fait de l’improvisation de la tablée à la dernière minute. Elle marque un temps de rencontre et de partage par les regards, l’humour des paroles, la nourriture et le vin qui commence à nous délivrer son esprit tout en débridant le notre. La magie du vin c’est d’ouvrir les cœurs pour vivre un échange sincère et humaniste, pour ressentir notre présence immédiate au monde, sans barrière sociale, sans tabous, sans écrans et sans peurs. C’est de l’amour fraternel qui coule du vin jusque dans nos veines et qui traduit le VINI SPIRITUS, l’alchimie des cœurs qui nous ramène à notre quintessence, à ce que l’on est réellement au plus profond de nous même, dans notre plus pure et grande beauté : l’ Humanité.

Les verres se remplissent et se vident de plus en plus rapidement, ils se lèvent et s’entrechoquent dans leurs célébrations : à notre santé, à la vie, à l’amour, à l’art, aux noms des invités et du cochon caché timidement sous la table. Les boules rouges sur lesquelles sont piquées des brochettes de nourriture, se dénudent, englouties par notre faim grandissante.

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Ces boules choisies et peintes par les élèves faisant office de plat, symbolisaient à l’origine les grains de raisin et les gouttes de vin. Pour ma part, je rajouterais les globules et cellules, les astres rougeoyants, mais aussi, après coup, les ventres et poitrines des femmes dénudées, telle une Arthémis allongée en chemin de table pour nous servir et nous nourrir, nous qui ne sommes qu’une tablée de femmes, d’amazones contemporaines chantant des chansons paillardes écrites par et pour des hommes, en l’occurrence « la Digue du Cul » ! Si j’avais su qu’aucun homme ne serait à notre table, je crois que j’aurai féminisé les paroles de cette chanson et j’en ferai donc une proposition à la fin de ce texte.

De temps en temps le cochon sortait son groin du dessous de la nappe qui , vu le contexte, symbolise les jupes des femmes. Il avait un rôle subversif de par son symbole de luxure et de débauche, mais aussi par son devoir de chatouiller les femmes pour les faire rire aux éclats. Finalement ce cochon a fait preuve de grande timidité face à ce groupe de femmes qui l’attendait, à notre plus grand désespoir ! Peu d’entres elles ont pu être honorées, sans doute, comme il a été dit lors de la performance, certaines d’entres elles ne l’attirait pas, trop vieilles et faisandées ! Ce cochon introverti s’est donc peu montré et peu manifesté, c’est le monde à l’envers. Et il est bien question de cela justement : un monde où les valeurs se délayent et s’inversent, un monde où les places restent à réinventer puisque plus rien n’y est à sa place…Où sont les hommes ? Que reste t’il de cette quête d’harmonie entre le féminin et le masculin ? Où sont l’équilibre et la parité dans un monde œnologique qui fut longtemps réservé aux hommes? (Les femmes à la Table et les hommes à la Taille…) ??!!!

Revenons au déroulement de l’action : après avoir chanté « la Digue du Cul » en canons (de rouge), nous re trinquons dans les rires et la confusion que génère le vin quand il commence à faire sérieusement son œuvre libératoire. Des fous rires, des bégaiements, des égarements en tous genre jusqu’à perdre un moment le fils de la performance qui part en « live » et c’est tant mieux, plus vrai et spontané ! La bande sonore qui était diffusée depuis le premier chant et qui est l’enregistrement d’une bande d’amis qui chantent des paillardises, arrive à saturation jusqu’à l’inaudible, puis le silence. Alors, dans un moment de désynchronisation et de perdition comique, tout doucement nous déposons notre tête dans l’assiette, en silence relatif, dans des gloussements camouflés et des rires étouffés, pour symboliser la fin, l’excès, la Mort.

A ce moment là, le « sommelier toqué » devait tinter la cloche et son tocsin, mais il a oublié de nous signaler la Fin ! Sans doute avait il trop trinqué avec nous pour en oublier de mourir ! Nous étions donc un peu livrer à l’inconnu, aux aléas de l’improvisation, ne sachant plus comment clôturer la performance l La chute fut donc une réflexion à voix haute d’une invitée : « ça dure longtemps la mort ?  », et je lui répond que Rabelais disait : « Buvez, vous ne mourrez jamais » ! Cette citation improvisée de mon cher Rabelais marque la fin de l’action.

Nous remercions chaleureusement nos rares fidèles qui sont restés jusqu’à la fin de cette bulle de liberté conviviale et insolite, en leur proposant un verre de vin.

AMEN

Carole Challeau

Le 7 mars 2010

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25 février 2010

CHALLEAU Carole

Née le 17-05-1971, à Tournai en Belgique.

Vit et travaille en Avignon.

Petites suites...

     Depuis mes premières recherches sur la charge sacrée issue de la fragmentation du corps et des reliquaires et mes prédilections pour les glissements de sens provoqués par des analogies souvent sexuées; ces sujets ou associations insolites, demeurent aujourd'hui. Ces thématiques sont déclinées ou revisitées sous un autre angle, même si le corps pendant une dizaine d' années s' est vu perdre ses limites formelles et charnelles pour une plongée microscopique à l' intèrieur de lui même.

     Le corps érotisé a laissé place aux vues scientifiques issues d' ouvrages d' histologie fonctionnelle, à la découverte de nos paysages intérieurs, de l' infiniment petit qui nous rappelle tant l' infiniment grand, d' où ma fascination pour les formes pour les formes récurrentes ovoïdes que l' on retrouve dans toutes structures internes des éléments. Lieuoù tout se tient dans le presque rien, forme première et épuréeperceptibledans son entier de façon immediate et physique en résonnance avec l' intérieur du corps sans même passer par une quelconque analyse.

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      Aujourd'hui, la beauté et les mystères de la nature m' émerveillent et suscitent mon inspiration. Les fluides et réseaux internes, veines et méridiens, se déclinent sur la croûteterrestre par les réseaux naturels tels les fleuves et rivières ou encore ceux que nous avons créés en résonance : les routes, les chemins, les plans de villes, comme si nous redessinions à grande échelle nos paysages intèrieurs.

     C' est ainsi que je porte un vif interêt pour les cartographies et las plans. Je me délecte à les évider, gardant simplement le squelette et les ramifications, sorte de dentelle fragile et sublime comme une toile d' araignée. Quelques fois, reste un paté de maisons ou un fragment terrestre figurant un organe.

     Les liens, la finesse et la fragilité se retrouvent dans la quasi-totalité de mon oeuvre et le choix des matériaux y concourent : les brins d' herbe, les squellettes de feuilles, les racines, les poudres, la cire, les fils, les papiers et le verre.

     Les croisées, les noeuds et entrelacs se retrouvent l' acte de broder qui nécessite un geste répétitif, lent, archaïque faisant écho au temps qui passe, à la filliation, sujets qui me sont chers et que j'avais expérimenté avec le medium photographique lors de mes études.La filliation s' est concrétisée sur un autre plan, puisque j' ai créé trois oeuvres en collaboration avec ma mère, en broderie et couture.

     Depuis quelques années, je constate la réapparition du corps dans son entier, avec ses formes plus classiques; je pense notamment à la création de mon dessin en fibre optique tissé sur soie brute, représentant la réunion du féminin et du masculin dans une fusion florale, ou encore à un dessin vibratoire : autoportrait en strate à la mine de plomb sur papier perforé de piano musical.

      La silhouette prend la place des cellules ou quelques fois fusionne avec elles. Au bout de vingt ans, j' observe la réunion de l' intérieur avec l' extèrieur, du vide et du plein, du féminin et du masculin pour une vison plus globale et harmonieuse. Aujourd' hui les oeuvres paraissent plus légères, célestes et lumineuses sans occulter le côté terrestre , dense et organique. A suivre...

    Carole Challeau, mai 2009

Interview :

Pourquoi avoir choisi ce métier ?

" Je n'ai pas choisi mon métier, il s'est imposé à moi comme une nécessité, comme quelque chose de vital.

Au delà d'un métier, c' est pour moi,  un état et une façon d'être. C'est une nature qui donne un sens à ma vie et inscrit au fil des expériences et rencontres mon cheminement. C'est un regard particulier sur le monde et un rapport aux autres empreint de singularité et de liberté.

Ma créativité s'inscrit dans l'échange et la contemplation, mais aussi dans la trasmission, en accompagnant l'acte créatif. C'est une quête permanente de la beauté et de la qualité. "

Quelle satisfaction personnelle en retirez-vous ?

" C'est en permanence l'étincelle de mon âme. L'Art me permet de résister aux turbulences de la vie. C'est une façon de lutter contre les disfonctionnements de la société, et un moyen d'exister autrement et librement. Comme si je m'étais créé une bulle de liberté au milieu de l'oppression.

Je veux à tout prix éviter le conformisme ambiant et apathique, et suis très attachée à la notion de partage, à la transmission par la création, le regard, le rire et la contemplation.

Par ailleurs, la création me met en permanence dans un état de recherches, décuple ma curiosité et ma joie de vivre, c'est très stimulant et jubilatoire. Tout cela m'anime: ma quête de beauté, de Vérité et de sacré, mais aussi les délices de la singularité transmise par la distorsion de la réalité, le déplacement des choses et le glissement de sens. Sans oublier l'humour, la sensualité qui me ramènent à mes origines rablaisiennes. "

Dans quelle catégorie d'art vous situez vous?

"  Je ne vois aucun interêt au fait d'être étiquetée . Je suis trop éprise de liberté pour ça.

Je ne me définis pas par rapport à un courant, un groupe ou une personne, mais je me définis par moi même, par mes propres recherches et expériences. Le reste, ce n'est pas mon propos, je laisse cela aux esthéticiens et historiens de l'art. Ils sont plus à même de parler d'art que moi ou de me rattacher à un courant artistique...chacun sa spécifité. Je le fais l'art pendant que d'autres en parlent;c'est deux mondes différents.

C'est ce que je fais qui me positionne et non l'inverse: je ne me positionne pas pour faire. 

Pourquoi avoir choisi le thème de "Dejeuner rouge" ?

"  Ce thème est né de l'initiative d'une association "OZONS" dont l'objet était de promouvoir l'art contemporain.

Des rencontres entre public et artiste étaient organisées autour d'un  déjeuner/exposition, simplement, en toute humilité et convivialité. Lorsque l'on m'a proposé d'y participer, j'ai envisagé  d'en faire une performance artistique, où l'oeuvre serait créée in situ, naissant de la rencontre avec le public.

Aujourd'hui, mes déjeuners rouges se déploient en plusieurs actes, au gré de mon inspiration, en nombre illimité et mêlant toujours un public non averti avec un public de connaisseurs d'art contemporain. Ils s'inscrivent dans des petites suites, reprenant quelques idées insolites du déjeuner précédent, en les poussant un peu plus loin, parfois jusqu'à la dérive liée aux aléats de l'instant présent et de la réaction du public. Des oeuvres sont toujours créées in situ et le sens profond de l'action tourne toujours autour du patage et de la surprise, le décalage qui suscitera le Rire ou l'indignation pour d'autres.

C'est une performance qui s'inscrit dans la durée, se déclinant et engendrant la suivante et dans laquelle se marient les notions ambivalentes de sacré et de profane. Il s'agit de rester toujours à la lisière...

Pour ce déjeuner rouge, acte II: VINI SPIRITUS, je me suis appuyée sur la notion de partage, sur l'atmosphère burlesque qui règne autour du vin. Mon imprégnation des textes de Rabelais , cet hymne à la vie est une façon de montrer l'importance de l'échange, du métissage qui concourent à la richesse humaine, à la joie de vivre et à la beauté.

De plus, je ne me fixe aucune barrière en tant qu'artiste, j'éprouve une certaine satisfaction à être à la limite du raisonnable.

Mes performances contrairement à mes oeuvres graphiques, sont empreintes d'humour avant tout, la notion d'amusement et de partage est à mes yeux primordiale.

Que pensez-vous de ce travail avec des étudiants ?

" C'est une certaine pression que d'être impliquée avec des étudiants qui ne sont pas forcémment volontaires et un public. Je prends un certain nombre de risques dans le sens où je ne peux pas compter que sur moi-même, mais la notion de partage est fondamentale quand on travaille en workshop. Dans ce type d'action je ne maîtrise que le canevas et cela peut partir en live...

Le manque de temps pour un travail de fond, pour apprendre à se connaître a été assez frustrant.

De plus, c'était ma première performance avec un public non volontaire au départ, et cela implique une certaine obligation de "driver" les élèves, d'insuffler en permanence la création et la curiosité, ainsi qu'une part d'aléatoire non négligeable. "

Interview réalisée par deux étudiantes du lycée : M.B. et J.F.

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25 février 2010

La perfomance artistique

Utilisé pour la première fois par la langue française en 1963, ce substantif est emprunté à l'anglais. Durant la fin des années 1950, un happening était une performance (représentation), un événement ou une situation qui pouvait être considéré comme un art. Une traduction possible en français serait une intervention artistique. Le happening se distingue de la simple performance par son caractère spontané et le fait qu'il exige la participation active du public. Ainsi, pour Allan Kaprow : « Structurellement et philosophiquement, c’est la même chose » mais « la performance est en réalité un événement artistique, et il se produit devant un public » contrairement au happening qui lui n'a « pas de public. Seulement des intervenants » et qui ne comporte « pas de références à la culture artistique. Pas de références à la musique, au théâtre, à la littérature. »

L'histoire du happening est intimement liée au mouvement Fluxus, dont le but ultime était de supprimer toutes frontières entre Art et Vie. En intégrant le public à la performance artistique, les artistes Fluxus veulent supprimer l'idée d'un art qui se donne à voir et mettent plutôt en avant l'idée d'un art qui s'expérimente, se vit.

25 février 2010

Sophie Calle

  • Le Rituel d'anniversaire (1980-1993) : chaque année pour son anniversaire, le jour exact si possible, SC organise une fête d'anniversaire où elle invite un nombre de convives équivalent au nombre de ses années, avec, à chaque fois, un inconnu invité par l'un des convives. Pour chaque anniversaire elle a constitué une vitrine contenant les cadeaux offerts (ce ne sont pas les vrais cadeaux qui y sont utilisés). Sur chaque vitrine est inscrit le descriptif des cadeaux offerts. Ce rituel est présenté et développé dans le récit L'invité mystère de Grégoire Bouillier.

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    Dès lors, le travail de Sophie Calle cherche à créer des passerelles entre l'art et la vie. Sous la forme d’installations, de photographies, de récits, de vidéos et de films, l'artiste construit des situations associant, selon la formule de Christine Macel, « une image et une narration, autour d’un jeu ou d’un rituel autobiographique, qui tente de conjurer l’angoisse de l’absence, tout en créant une relation à l’autre contrôlée par l’artiste ».

    Ses photographies et ses comptes rendus écrits, empruntant le style descriptif du reportage ou de l'inventaire, attestent la réalité des situations qu'elle crée : femme de chambre dans un hôtel, strip-teaseuse dans une fête foraine, poursuite d'un homme à Venise, etc. Souvent fondées sur des règles et des contraintes, ses œuvres interrogent la limite poreuse entre sphère publique et sphère privée et le caractère interchangeable des positions du voyeur et de l'exhibitionniste. Le thème de la disparition de personnes ou d'objets, dont l'existence est avérée par quelques traces et dont l'absence est enregistrée par la photographie, constitue également un thème de prédilection de l'artiste.

    Elle se caractérise par un esprit provocateur. Elle a été par exemple la première photographe à présenter une exposition… dont elle n'avait pas pris elle-même une seule photo : elle avait demandé à une agence de détectives privés de la prendre en filature et de la prendre en photo à son inssu. Ce sont ces photos d'elle qu'elle exposa.

    Auteur inconue-wilkipédia [En ligne].- Disponible sur « http://fr.wikipedia.org/wiki/Sophie_Calle » (Page consultée le 25/02/10)

    25 février 2010

    Daniel Spoerri

    Daniel Spoerri est un artiste pluridisciplinaire suisse.

    Il débute comme danseur pour l'Opéra de Berne, puis il est metteur en scène, décorateur et acteur de théâtre. En 1959, il quitte la Suisse et rejoint Paris, où il monte les éditions MAT et invente "tableaux-pièges", objets extraits du quotidien qui en passant du plan horizontal au plan vertical, acquièrent une certaine étrangeté. Suite à cela, il intègre les Nouveaux Réalistes, en 1960 lors de la fondation. Toujours dans cette logique de détournement du quotidien, il crée en 1963 Détrompe-l'œil. Il s'intéresse ensuite à l'art comestible, allant jusqu'à ouvrir un restaurant à Düsseldorf. Ces travaux posent la question de l'essence de l'art.

    Alexandre BOUCHEROT-fructuat.net[En ligne]-Disponible sur « http://arts.fluctuat.net/daniel-spoerri.html »(Page consultée le 25/02/10).

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    Images série "Sevilla" N°4 et N°12

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    série "Sevilla" N°3 et N°6

    extraites de Dadaïsme, Gualdoni, éd. Skira, 2009

    25 février 2010

    Calligrammes

    Un calligramme est un poème dont la disposition graphique sur la page forme un dessin, généralement en rapport avec le sujet du texte, mais il arrive que la forme apporte un sens qui s'oppose au texte. Ce genre a été pratiqué dès la fin du XIXe siècle, notamment par Edmond Haraucourt, mais c'est le poète français Guillaume Apollinaire qui est à l'origine du mot (formé par la contraction de «calligraphie» et d'«idéogramme»), dans un recueil éponyme (Calligrammes, 1918). Étymologiquement, ce mot-valise signifie «Belles Lettres» dans la mesure où il reprend l'adjectif grec le nom gramma qui signifie "signe d' écriture", "lettre". Il s'agissait donc pour Apollinaire d'«écrire en beauté». Il aurait ainsi déclaré parodiquement à son ami Picasso: «anch'io son' pittore!» («moi aussi je suis peintre!»)

    Ainsi, cette forme particulière de poésie est parfois nommée poésie graphique. Mais si Apollinaire demeure l'auteur de calligrammes le plus reconnu par l'histoire littéraire, il n'a pas inventé le "poème-dessin": Rabelais au XVIe siècle avait ainsi représenté sa "dive bouteille". Le calligramme suppose une lecture "active" car le lecteur doit chercher le sens et la direction des phrases, chose qui paraît évidente dans un texte classique.

    cravate

    Exemples de calligrammes :

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    Le vigneron champenois

    Le régiment arrive

    Le village est presque endormi dans la lumière parfumée

    Un prêtre a le casque en tête

    La bouteille champenoise est elle ou non une artillerie

    Les ceps de vignes comme l'hermine sur un écu

    Bonjour soldats

    Je les ai vus passer et repasser en courant

    Bonjour soldats bouteilles champenoises ou le sang fermente

    Vous restez quelques jours et puis remontez en ligne

    Échelonnés ainsi que les ceps de vigne

    J'envoie mes bouteilles partout comme les obus d'une charmante artillerie

    La nuit est blonde ô vin blond

    Un vigneron chantais courbé dans sa vigne

    Un vigneron sans bouche au fond de l'horizon

    Un vigneron qui était lui même la bouteille vivante

    Un vigneron qui sait ce qu'est la guerre

    Un vigneron champenois qui est un artilleur

    C'est le maintenant le soir ou l'on joue a la mouche

    Puis les soldats s'en iront la haut

    Ou l'artillerie débouche ses bouteilles crémantes

    Allons Adieu messieurs tachez de revenir

    Mais nul ne sait ce qui peut advenir

    Bibliographie:

    Apollinaire, Guillaume, Calligrammes, Paris: Édition Gallimard, 1994, 184p.

    http://www.guillaume-apollinaire.fr/calligrammes.htm

    25 février 2010

    Gargantua et Rabelais

    Historique:

    La vie très horrifique du grand Gargantua, père de Pantagruel, ou plus simplement Gargantua, est le deuxième roman de François Rabelais. La première publication datée du Gargantua remonte à 1534. L’auteur a retravaillé le texte ultérieurement. Gargantua a été écrit après Pantagruel (publié en 1532), mais Gargantua est le père de Pantagruel et lorsqu’en 1542 les deux ouvrages furent publiés simultanément, Gargantua fut placé en tête.

    Gargantua est sans doute le texte narratif le plus célèbre de la Renaissance française. D’une structure comparable à celle de Pantagruel, mais d’une écriture plus complexe, il conte les années d’apprentissage et les exploits guerriers du géant Gargantua. Plaidoyer pour une culture humaniste contre les lourdeurs d’un enseignement sorbonnard figé, Gargantua est aussi un roman plein de verve, d’une grande richesse lexicale, et d’une écriture souvent crue, volontiers scatologique.

    Extrait d'un passage du livre:

    Grandgousier décide d’organiser un immense festin pour le retour de son fils. Gargantua a envie de salade ; il cueille les laitues réputées les plus grandes dans un jardin et emporte inopinément six pèlerins qui s’y étaient abrités pour la nuit. Il avale sa salade et les pèlerins. Ceux-ci ne doivent leur survie qu’au fait que s’accrochant aux dents du géant et que malencontreusement en tâtant autour d’eux avec leur bâtons, ils touchent un point sensible. Gargantua, muni d’un cure-dent, les retire de sa bouche les uns après les autres. Pendant le souper, Grandgousier explique à Gargantua les raisons des hostilités contre Picrochole. Il lui raconte le courage de frère Jean. Gargantua ordonne de le faire venir. Ces derniers s’apprécient aussitôt et ils se mettent à boire. Ivres, ils divaguent en propos incohérents. Au cours du repas, Eudémon, un des compagnons de Gargantua, s’étonne que les moines soient rejetés du monde. Gargantua lui expose qu’ils ne travaillent pas de leurs mains, qu’ils dérangent les mortels, et qu’ils vivent des péchés des hommes. Gymnaste s’interroge sur le fait que les clercs aient de si longs nez. Frère Jean lui raconte que sa nourrice avait les seins mous et que son nez s’y s’enfonçait comme dans du beurre et qu’il grandissait comme la pâte avec du levain. Après le repas, Gargantua et ses compagnons décident d’attaquer à minuit les troupes de Picrochole. Gargantua n’arrive pas à s’endormir. Alors frère Jean lui conseille de prier Dieu et au premier psaume, ils s’endorment tous les deux. À minuit, le moine, habitué au rythme des matines, s’éveille en sursaut et réveille tous ses compagnons d’armes. Puis il décrète que chaque matin, il se purgera avec du vin. Tous se préparent alors, à passer à l’attaque. Le moine encourage ses compagnons d’armes mais surestime ses capacités guerrières. Vitupérant contre l’ennemi, il passe sous un noyer et y reste accroché. Eudémon grimpe dans l’arbre et décroche le moine. Frère Jean abandonne son équipement guerrier et ne garde que son bâton.

    gargantua

    Bibliographie:

    Rabelais; François, La vie très horrificque du grand gargantua, Paris: GF Flammarion, 1968, 239p.

    25 février 2010

    Haïku

    Le haïku, terme créé par l'honorable Shiki Masaoka (1867-1902), est une forme poétique très codifiée d'origine japonaise, à forte composante symbolique, et dont la paternité, dans son esprit actuel, est attribuée au poète Bashō Matsuo (1644-1694). Le haïku tire son origine du tanka, terme de poésie traditionnelle japonaise. Il s'agit d'un petit poème extrêmement bref visant à dire l'évanescence des choses. Encore appelé haïkaï (d'après le haïkaï no renga ou haïkaï-renga, forme antérieure plus triviale developpée par Sōkan au XVIe siècle) ou hokku (son nom d'origine), ce poème comporte traditionnellement 17 mores (un découpage des sons plus fin que les syllabes) en trois segments 5-7-5, et est calligraphié sur une seule ligne verticale.

    Les haïkus ne sont connus en Occident que depuis le tout début du XXe siècle suite à la mode du japonisme. Les écrivains occidentaux ont alors tenté de s'inspirer de cette forme de poésie brève. La plupart du temps, ils ont choisi de transposer le haïku japonais, qui s'écrivait sur une seule colonne sous la forme d'un tercet de 5, 7 et 5 syllabes pour les haïkus occidentaux. Quand on compose un haïku en français, on remplace en général les mores par des syllabes ; cependant, une syllabe française peut contenir jusqu'à trois mores, ce qui engendre des poèmes irréguliers.

    Haïkus écrit par les étudiants

    Marcher dans la vigne,

    Regarder les raisins,

    Un plaisir à venir.

    ______________________________________

    Baies rougissantes,

    A l'aube de l'automne,

    Ennivrent nos sens.

    ______________________________________

    Saveur enchantée,

    Un brin éméché,

    Les sens s'éveillent.

    ______________________________________

    La vigne vrille,

    Avec le poids du temps,

    Au fil des saisons.

    Bibliographie:

    Sôseki, HAÏKUS, Arles: Philippe Picquier, 2001, 99p.

    25 février 2010

    Le projet du Déjeuner Rouge

     

    "Se nourrir est un besoin, savoir manger est un art ."

    François Rabelais

     

     

    • Présentation

    « Les déjeuners Rouges » sont des performances artistiques, en plusieurs actes, mettant en scène des personnes invitées autour d'une table. Chaque élément présent est pensé et créé pour combiner un ensemble harmonieux visuellement et intelligible. En quelque sorte, c'est un tableau vivant.

    Les invités ne sont pas au courant de l'action afin de préserver une certaine spontanéité.

    Les étudiants de BTS VO ont participé donc à cet Acte II avec l'artiste plasticienne Carole Challeau qui est à l'origine de ce projet artistique. Il s'est déroulé pendant les portes  ouvertes.

    Cette année, le projet se poursuit avec le collectif New Art 'Aix.

    Vous pouvez le retrouver sur le lien suivant : https://collectifnewartaix.wixsite.com/arts/les-animateurs-des-ateliers

                            

    carole

     

     

    • Les déjeuners Rouges  Acte III se décline avec les ateliers de Gravure du New Art'Aix

    Au cours de ce déjeuner Edition III, nous allons mettre en valeur les productions des ateliers de janvier 2021. La couleur rouge sera au coeur  des travaux réalisé.

    • Les déjeuners Rouges  Acte II par les étudiants BTS Production Viticulture-Oenologie

    Au cours de ce déjeuner, nous allons mettre en valeur tous les objets et couleurs en rapport avec le vin tels que le rouge ainsi que les verres, les bouteilles à travers des dessins que nous avons réalisé.

    Une séance de dégustation orchestrée par un sommelier professionnel aura également lieu.

     

    • Symbolique du Rouge

    Le Rouge symbolise la couleur du sang, de la vie, de la passion mais aussi celle du vin.

    Ce dernier relie le sacré au profane dans ses extrêmes: le sang du Christ, la communion et le partage du vin jusqu'au banquet grivois, bacchanales et orgies.

    Au niveau psychologique, c'est la couleur qui représente la joie de vivre, l’optimisme, la vigueur, l’instinct combatif et ses tendances agressives, la pulsion sexuelle, le désir amoureux, la passion, le besoin de conquête… ainsi que les émotions,l'appétit, le diable, le feu et la luxure.

    Sur les assiettes présentes sur la table du déjeuner, chacun de nous a dessiné son empreinte en rouge afin de représenter l'identité personnelle et l'affirmation de soi en tant que d'être vivant.

    L'origine de cette symbolique réside principalement dans le fait que le rouge est la couleur réelle du sang, des muscles, de la bouche, des lèvres, du cœur, du sang versé par l'ennemi.

    Par ailleurs, les pigments rouges ont été maîtrisés rapidement dans l'histoire de l' Humanité. Les hommes du paléolithique utilisaient déjà le rouge pour leurs peintures. Pour les teinturiers du Moyen Age, le rouge était une des couleurs les mieux maîtrisées.

    Enfin, c'est une couleur qui attire l'œil car elle est peu présente dans la nature et sa rareté en fait une couleur d'exception. D'un point de vue optique, c'est aussi la couleur qui excite le plus le cône de l'œil humain après le jaune.

    Le Rouge est aussi le symbole fondamental du  principe de vie avec sa force, sa puissance et son éclat.

    Le Rouge des feux concerve la transgression du plus profond, l'interdit sur les pulsions et la libido. Le Rouge sombre évoque, quant à lui, le mystère de la vie.

    Le rouge vif , diurne, solaire, centrifuge incite, lui, à l'action; il est image d'ardeur et de beauté, de force impulsive et généreuse de jeunesse, de santé, de richesse, d'Eros libre et triomphant.

    Ce rouge, on le voit, est matriciel. Il n'est visible qu'au cours de la mort initiatique où il prend une valeur sacramentale.

    Répandu, il signifie la mort. D'où l'interdit qui frappe les femmes en règles: le sang qu'elles rejettent est impur.

    En Extrême-Orient, le rouge aussi évoque d'une manière générale, la chaleur, l'intensité, l'action et la passion.

     

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    Déjeuner Rouge acte III
    • Cette année la performance se poursuit avec le Collectif New Art' Aix dans la continuité de l'intervention de l'artiste Carole CHALLEAU vous présentent leur action "Déjeuner Rouge Acte II qui a eu lieu en 2010.
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